Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
NAPOLÉON

épuisant les armées françaises est celui que je suis résolu à suivre. » Son plan est fait. Il ne donnera aucune prise à Bonaparte. Il se laissera attaquer et lui ménagera en Russie une nouvelle Espagne. Dans sa grande conversation du mois de juin, Caulaincourt avertit l’empereur. On ne parle pas d’autre chose à Saint-Pétersbourg. On est résolu à livrer l’entrée de la Russie à Napoléon, à l’attirer le plus loin possible en lui refusant le combat, après quoi le climat aura raison de la Grande Armée. Caulaincourt connaît la Russie, mais, comme il arrive aux ambassadeurs, il a trop plaidé la cause du pays où il était envoyé. Il répond trop de la sincérité, des bonnes intentions d’Alexandre. Il donne l’impression d’être endoctriné. Napoléon reste incrédule et même impatienté. La bataille ? Il saura bien contraindre les généraux russes à la livrer. La rigueur de l’hiver ? Mais « toute l’Europe a le même climat ». Il le disait déjà à Varsovie en 1806 et quand les Polonais répondaient : « Sire, nous le voudrions bien », il l’affirmait encore parce qu’il avait besoin de l’affirmer. Il faut que les choses soient comme il veut parce que, comme il le dit pour résumer le parti extrême qu’il a pris, n’en trouvant plus d’autre : « Il faut s’en tirer », et ne pas attendre que sa fédération européenne, qui se défait par où elle a commencé, reflue en armes sur le Rhin.

Mais il n’ira pas courir le risque sans l’avoir pesé, sans avoir mis de son côté autant de chances qu’il peut en réunir, sans essayer d’avoir tout prévu. Et rien ne manque à son dessein, sauf l’hypothèse où il serait surpris par l’hiver en Russie, car son dessein exclut précisément cette hypothèse et serait absurde s’il l’admettait. Il prévoit tout, sauf les fourrures pour les soldats et les fers à glace pour les chevaux. Il prévoit en politique, en chef de gouvernement. Tandis qu’il sera au loin, il importe que tout soit calme dans l’Empire. Grandes recomman-