Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
414
NAPOLÉON

que favorable à l’industrie française. Pas de combinaison que n’ait cherchée l’empereur, tel le remplacement de la canne à sucre par la betterave, pour que l’Europe puisse se passer de ce que vend et produit l’Angleterre, pour que, cependant, les manufactures de France travaillent à plein. Mais alors, si les effets du blocus deviennent moins durs dans les limites de l’Empire, ils le deviennent davantage pour le reste du continent, pour les pays amis, alliés, auxiliaires, où la rigueur de la prohibition a été jusqu’ici tempérée par la fraude. Les licences, destinées à rétablir l’égalité, donnent un privilège à la France. Plus manufacturière que les autres nations européennes, elle prend sur leurs marchés la place des Anglais, et qu’y perdent ceux-ci ? Le régime des licences leur permet de continuer le trafic des denrées coloniales, tandis que, maîtres de la mer, le reste du monde est ouvert à leur commerce qui s’empare d’un monopole. Il aurait fallu savoir si l’Angleterre ne compensait pas son exclusion d’Europe par l’Amérique, l’Afrique et l’Asie, ce qui rendait déjà douteuse l’efficacité du blocus.

La stratégie commerciale de Napoléon est encore plus gravement en défaut sur un autre point. Les autres pays du continent, expliquait très bien Laffitte, perdent sur leurs produits qu’ils ne vendent à personne ; ils perdent sur ceux qu’ils ne peuvent acheter que de la France. Or ces étrangers sont des alliés, des membres de la fédération antibritannique et le blocus pèse doublement sur eux pour une cause qui, somme toute, n’est pas la leur. Alors que doit-il arriver ? L’impatience, le mécontentement croîtront. La France froissera trop d’intérêts et tout ce qui est contraire aux intérêts l’est aux affections. « Nos alliés se rapprocheront de nos ennemis et de nouvelles guerres mettront peut‑être de nouveau notre avenir en question. »

Le premier des alliés par lequel s’accomplirait