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NAPOLÉON

ici. A-t-il cru, vraiment, que cet Empire démesuré il le garderait, qu’il pourrait le léguer à son successeur ? Bien plus, pour cet enfant dont Marie-Louise, avant la fin de l’été, lui donne la promesse et qui, son étoile aidant, sera un fils, a-t-il eu l’idée de préparer un héritage encore plus fabuleux ? Si cela était, c’est qu’il fût devenu complètement fou, d’une folie raisonnante qui l’eût laissé lucide par ailleurs. Et de son temps même, on ne manqua pas de se dire qu’il fallait que son esprit fût obscurci, dérangé. Il passa pour un dément. Mais lui-même n’a jamais expliqué, sinon à Sainte-Hélène, dans une espèce de métaphysique, par quel miracle, et, en outre, pourquoi il aurait gardé toutes ses conquêtes ajoutées à celles de la Révolution. Il n’a jamais dit sur quelles bases, à quelles conditions il eût conclu la paix avec l’Angleterre, en supposant que l’Angleterre voulût traiter. L’absurdité totale était d’imaginer Napoléon et ses successeurs dominant éternellement la terre, tandis que l’Anglais dominerait la mer. Si une pensée aussi extravagante avait occupé son esprit, Bonaparte eût donné d’autres signes d’aliénation mentale. On ne peut lui prêter qu’une idée, toujours la même, l’Angleterre mise à genoux par le blocus, demandant grâce, libérant les mers, restituant les colonies, acceptant une juste et honorable transaction.

Et l’on croyait toujours qu’elle était à la veille de succomber, qu’elle ne résisterait pas à l’immensité de ses pertes commerciales, de son endettement. On calculait le jour où elle serait à bout, comme les Allemands calculaient, cent et quelques années plus tard, qu’elle le serait par la guerre sous‑marine à outrance. Quand tout fut fini, on ne manqua même pas de prétendre que l’Angleterre n’en pouvait plus, qu’un peu de temps encore et elle eût renoncé. C’était, dit‑on, l’avis d’Alexandre en 1814, dans ses conversations de Paris, où il déclarait qu’à ses yeux le blocus était une arme terrible et admirable.