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NAPOLÉON

ni sa grande idée de réconcilier les Français. « Toujours attentif à ne point offenser les souvenirs de la Révolution », il ménage, dans la circonstance, les sentiments des conventionnels, des vieux républicains. « J’ai pris soin, disait-il, de rassurer et de satisfaire ceux que ce mariage pouvait inquiéter. » Et il interdira le discours de Chateaubriand à l’Académie, cette « diatribe » contre la Révolution. Il y a les mots et il y a les choses. Napoléon connaît assez les hommes pour s’apercevoir que la nouvelle noblesse a le sentiment de gagner quelque chose par l’accession de l’Empire à la légitimité. Duchés et comtés deviennent « une véritable aristocratie », tandis que, libérés de leurs derniers scrupules, et, d’autre part, mieux vus que jamais, les anciens émigrés, les royalistes « envahissent » les Tuileries, les assemblées, les préfectures, les états-majors. La consigne pour le Sénat est que « l’empereur veut de l’aristocratie et surtout pas d’avocats  ». C’est la « réaction de 1810 » qui, au-dedans, répond aux alliances politiques et aux alliances de famille du dehors, puisque maintenant, par Marie‑Louise, l’empereur cousine avec presque toutes les têtes couronnées. La conservation sociale et dynastique suit son admission au grand cercle des souverains, qu’il prend trop pour un syndicat de défense mutuelle. Et puis l’Europe qu’il a besoin de fédérer est une Europe de rois. Pour mieux l’unir, il adopte ses façons de penser, il se royalise. Est-ce que d’ailleurs tout ne va pas dans ce sens ? La race des Vasa se meurt. Au mois d’août de cette année de magnificence, Charles XIII adopte pour successeur et la Suède élit pour prince royal Bernadotte, le beau-frère de Joseph. Napoléon approuve. Presque partout sur le continent il a des rois pour alliés, des rois pour parents, et, du moins l’entend‑il ainsi, des rois pour le servir.

Quelqu’un disait alors qu’il avait l’air de « se promener dans sa gloire ». Surtout il a pris de la con-