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LE GENDRE DES CÉSARS

les humiliant, il les aura découragés, il se sera lui‑même déshonoré pour rien. Alors Napoléon, qui a réfléchi, veut bien promettre de ne jamais rétablir le royaume de Pologne, non de participer par les armes à la répression d’une révolte des Polonais. Il consent à ne reconnaître qu’un grand-duché de Varsovie, et non, comme le voudrait Alexandre, à garantir contre toutes les autres puissances les limites de l’État varsovien. Restrictions bien légères, d’ailleurs légitimes, adroites dans la forme, encore atténuées par un renouvellement de l’assurance que le mariage autrichien n’altère ni les sentiments ni les convictions de Napoléon, résolu à rester toujours un allié et un ami. Seulement il n’est pas possible que le tsar ne se dise pas que Napoléon est en éveil. La méfiance grandit des deux côtés. Il faudra pourtant, pour passer de l’alliance et de l’amitié à la guerre, quelque chose de plus grave que le cas polonais.

Entre les deux empereurs, les relations officielles sont toujours dans la même harmonie, Kourakine est aux honneurs le jour où le mariage triomphal est célébré. Et si l’on pouvait voir Marie‑Louise avec les mêmes yeux que Napoléon ! Il a sans doute l’orgueil de mettre dans son lit la fille de ces hautains Habsbourg. Quel homme, encore plus extraordinaire que celui‑là, n’eût senti ce que cette union avait d’unique dans l’histoire ? Il a la satisfaction d’être traité en souverain de vieille race, de rattacher sa dynastie à celle qui a été renversée, de marier dans sa personne la révolution et la légitimité, d’achever sa grande idée de la fusion. Avec le goût qu’il a toujours eu pour les femmes, il est sensible aux dix-huit ans, à la fraîcheur de cette bonne Allemande, de cette « belle génisse », une rose d’un incarnat à peine vulgaire, fille‑fleur appétissante, docile, ce qui, pour elle, est la même chose que d’être facile, elle le montrera avec Neipperg. Elle a pour Napoléon un autre attrait, quelque chose, en beaucoup mieux, de ce