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LE GENDRE DES CÉSARS

le mot juste, « mené par le bout du nez ». Il a mis du temps à s’en apercevoir.

Maintenant, il risque d’être ridicule si, après avoir, sous les yeux du monde entier, aspiré à ce mariage, il n’en fait pas tout de suite un autre qui le vaille, qui soit même plus étonnant et plus flatteur. Alors il ne demande pas la main de Marie-Louise. Il ne s’engage pas dans de nouvelles négociations d’agence matrimoniale. C’est à Schwarzenberg qu’il s’adresse comme pour une affaire à prendre ou à laisser, lui accordant la journée pour dire oui ou non, un ultimatum qui ne donne pas le temps de consulter la cour de Vienne. L’ambassadeur d’Autriche consentit, disposa de la fille de son maître et ne fut pas désavoué. Il devait avoir des raisons de penser qu’il ne le serait pas. Dès que la réponse fut rendue, Napoléon fit dresser le contrat sur le modèle de celui qui avait servi pour Marie‑Antoinette et pour Louis XVI.

Une audace, ce mariage tambour battant qui ramenait une Autrichienne à Paris. Napoléon pourra dire : « Quand l’Impératrice est arrivée ici, elle a joué sa première partie de whist avec deux régicides, M. Cambacérès et M. Fouché. » Au conseil des grands de l’Empire, que Napoléon avait consulté pour la forme, car sa décision intime était déjà prise, quelques‑uns lui avaient représenté que le mariage autrichien serait un défi à la France de la Révolution. Murat, surtout, s’était emporté ; les sentiments révolutionnaires s’étaient ranimés chez le roi de Naples par la crainte des suites que pourrait avoir en Italie cette union avec les Habsbourg, proches parents des Bourbons napolitains. Talleyrand, lui, avait dit la pensée de l’empereur, ce que Napoléon aimait à entendre, lorsqu’il rappelait l’alliance de 1756 qui avait permis à la monarchie bourbonienne de tenir tête à l’Angleterre. Argument qui est dans le fil du règne, dans l’actualité et dans la logique, d’autant meilleur qu’il ne s’agit pas de