Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/386

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
381
LE REDRESSEMENT DE WAGRAM

cette garde nationale. Que veut Fouché ? Maître de la police, et maintenant des préfets, véritable premier ministre, il est, en l’absence de l’empereur, le maître de la France. Or, sur le premier moment, l’empereur a manqué de coup d’œil. Il a approuvé Fouché, voyant dans l’appel de la garde nationale un moyen d’augmenter les forces de l’Empire. Il n’a même pas blâmé le choix de Bernadotte, comme heureux de dédommager le prince de Ponte-Corvo. Mais voici que la France s’effraie de cette levée en masse, de ce retour à 93. Revient-on à la Révolution, à la Terreur, sous la conduite d’un jacobin ? Contre Fouché, les plaintes, les protestations, les dénonciations affluent à Schœnbrunn. L’empereur est déconcerté, puis furieux. Il voit naître une crise et lui-même ne sait plus bien ce qu’il doit faire. Fouché, il vient de le nommer duc d’Otrante. Il lui retire le ministère de l’Intérieur, mais ses lettres patentes, il les signe. Il destitue de son commandement Bernadotte, qui s’est comporté à Anvers en autocrate, presque en conspirateur, et le laisse définitivement ulcéré. Il ordonne que la garde nationale soit dissoute, reproche à Fouché d’avoir « alarmé l’Empire sans raison » et devine là-dessous l’ébauche d’un de ces complots qui recommencent chaque fois qu’il est loin. L’enlèvement du pape a provoqué de l’agitation chez les catholiques français et belges, jeté le trouble dans le clergé, ranimé les espérances des royalistes, tandis que, dans l’autre camp, celui des athées, des idéologues, des ennemis de la superstition qu’il a naguère réduits au silence et traînés à Notre‑Dame, on ricane : « Était-ce pour cela qu’on a fait le Concordat, le sacre, les Te Deum ? » Alors l’empereur gronde : « Je suis fatigué des intrigues. » Il en est inquiet surtout, et bien qu’il écrive à Fouché des lettres dures, il n’ose, cette fois encore, le révoquer. Que ne fût‑il pas arrivé sans le redressement de Wagram !

À tous les égards, il avait été temps de vaincre. Il