Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/385

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380
NAPOLÉON

Tout conspire à le contrarier, pas une nouvelle qui ne lui arrache un mouvement d’humeur et d’impatience. N’est-il entouré que d’imbéciles ou de traîtres ? Qu’apprend‑il coup sur coup ? Que Soult, un de ceux en qui il met le plus de confiance, a eu l’idée de se tailler un royaume dans ce Portugal qu’il n’est même pas capable de garder et d’où il se laisse expulser par les Anglais. Pour la seconde fois, le Portugal est perdu. Wellesley, le futur Wellington, entré en Espagne à la suite du désastre de Soult, a livré une bataille qu’il aurait dû perdre, d’où il échappe et qui reste comme un échec pour les Français par le désaccord des chefs et l’indiscipline qui s’est mise dans l’armée. Au récit de cette absurde affaire de Talavera, Napoléon lève les épaules de pitié. « Il faudrait que je fusse partout ! » Et quel est encore le serin qui s’est avisé d’amener le pape en France, jusqu’à Grenoble, pour que l’on s’agenouille au passage du pontife persécuté ? On ne commet donc que des fautes ? Ordre est donné de rebrousser chemin et d’interner Pie VII à Savone. L’empereur n’a besoin ni de complications ni d’insuccès dans le moment où, pour détourner l’Autriche de signer la paix, l’Angleterre redouble d’efforts. Voici que les Anglais ont débarqué dans l’île de Walcheren, que le général Monnet, un « lâche » un « incapable » a rendu Flessingue, de sorte qu’Anvers est menacé. Et si c’était tout ! Mais Fouché, ministre de l’Intérieur par intérim, répand l’alarme en France. Comme si l’invasion menaçait il lève la garde nationale, l’exerce, lui donne des officiers pris dans le commerce, la finance, dans cette bourgeoisie qui murmure déjà d’une guerre éternisée et qui, des jours de « la patrie en danger », a gardé un mauvais souvenir. Fouché rappelle même à l’activité des militaires mis en retrait d’emploi à cause de leurs idées républicaines. En somme, il arme les mécontents. Il demande à Bernadotte, disgracié la veille, de prendre le commandement de