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NAPOLÉON

chiduc Charles est emportée, l’échec d’Essling effacé, l’ennemi en retraite. « Du point de vue de l’art », ce qu’on pouvait faire de mieux, raisonnement et inspiration, audace et prudence ; la perfection, le chef-d’œuvre de la maturité de Bonaparte.

« Et pourtant l’empereur fut médiocrement content de la bataille de Wagram. » Elle lui avait coûté cher, en hommes, en officiers, presque aussi cher qu’à l’adversaire vaincu. Des généraux et de la troupe, elle avait exigé un effort qu’on ne pourrait leur redemander toujours. Cependant les circonstances avaient été favorables, l’armée de l’archiduc Jean n’ayant pas rallié celle de l’archiduc Charles, tandis que le prince Eugène, Macdonald et Marmont, après une marche heureuse, arrivaient à temps. Napoléon savait quelle peine il avait eue à vaincre avec des soldats trop jeunes quand ils étaient Français, lourds à manier quand c’étaient les auxiliaires. Il comparait Wagram à Austerlitz, à Iéna. Ce n’était plus la victoire avec des ailes parce que la forte unité de la Grande Armée n’existait plus. Il avait senti l’instrument moins souple, et, comme dit Thiers, « un commencement de confusion imputable non à l’esprit de celui qui commandait, mais à la quantité et à la diversité des éléments dont il était obligé de se servir pour suffire à l’immensité de sa tâche ». Un commencement de fatigue aussi, tout tendu à l’extrême, déjà presque à l’excès, les énergies physiques, les courages et jusqu’au puissant cerveau du chef. Commencement, enfin, de la lutte contre la nature des choses.

Et Napoléon fut « médiocrement content » parce que le lendemain de Wagram n’était pas non plus celui d’Austerlitz. Par un redressement superbe, d’ailleurs nécessaire, le résultat indispensable était atteint. Rien de plus. Dans sa clairvoyance, il comprenait que c’était moins la victoire que l’illusion de la victoire. Cette fois, l’empereur d’Autriche ne venait