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LE REDRESSEMENT DE WAGRAM

pitation de la témérité. On put croire que Napoléon était perdu lorsqu’il eut entrepris de franchir le Danube devant l’armée de l’archiduc Charles et qu’après les durs combats d’Aspern et d’Essling, où Lannes périt, il dut se replier sur l’île de Lobau. C’était là qu’on ressentait la défection du tsar qui écrivait beaucoup à son grand ami mais ne lui envoyait pas un cosaque. « Commerce de lettres » quand c’était « un commerce de bataillons » qu’il aurait fallu. Des compliments, des flatteries au lieu d’un corps d’armée.

Eylau avait été une bataille contestée. Essling était un échec. Pour la première fois, l’empereur, commandant en personne, était obligé de se replier devant l’ennemi. Par accident sans doute, puisque la crue subite du Danube, emportant les ponts, le coupait de la rive droite et le privait de munitions. L’échec restait. Un désastre n’avait été évité qu’à force d’énergie et de sacrifices. Napoléon pouvait se rappeler ce qu’il enseignait volontiers aux autres : « la guerre est un jeu sérieux », un jeu où le chef expose ses soldats, sa réputation, son pays. Il n’avait pas prévu que le fleuve, soudainement grossi, le mettrait en danger. Il aurait dû le prévoir et ce n’eût pas été une excuse pour un de ses lieutenants. Couronné de succès, le passage du Danube eût été une opération de génie. Manqué, ce n’était plus qu’une opération téméraire. Napoléon en vit les suites, l’effet moral, surtout, d’un événement qui devait « volcaniser » toutes les têtes allemandes et qui, si loin de France, et, derrière lui, une capitale populeuse où il avait dû entrer de force, le mettait dans un danger plus grand que celui dont pouvait le menacer l’armée de l’archiduc Charles, elle-même exténuée par ces terribles journées des 21 et 22 mai. Ce qu’il avait à craindre, c’était le découragement de ses généraux et de ses troupes. Alors, comme jadis devant Mantoue, il tient un conseil de guerre pour relever le moral. Il explique pourquoi il