Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
371
LE REDRESSEMENT DE WAGRAM

morale. « Ce n’est pas une alliance que j’ai là et j’y suis dupé ! » s’écrie-t-il lorsque s’évanouit le dernier espoir qu’Alexandre tienne sa promesse, se comporte en allié loyal, joigne ses forces à celles de la France. Puis ce cri du cœur, cet aveu qu’il a trop compté sur la Russie, qu’il a trop osé en se reposant sur elle : « Si j’avais pu me douter de cela avant les affaires d’Espagne ! » À Tilsit, il croyait toucher au but. Il n’avait plus de paix à conclure qu’avec l’Angleterre. Elle seule s’obstinait encore. Une fois toutes les parties du continent unies, fédérées, bien tenues en main, la capitulation des Anglais serait certaine. Dix-huit mois plus tard, Napoléon avait la guerre avec l’Espagne et avec l’Autriche, ce qui, observait un homme clairvoyant de son entourage, était la même chose pour la politique anglaise que s’il avait continué à l’avoir avec la Prusse et la Russie.

L’œuvre diplomatique de Tilsit est à reprendre. Elle est à refaire par les mêmes moyens, par des victoires. Et tous les ans, la victoire devient plus difficile. Contestée à Eylau, longue à obtenir à Friedland, fragile et mélangée de durs revers en Espagne, la peine et le prix en augmentent. Quel changement depuis le temps où, à Boulogne, il disait à Berthier : « Je veux me trouver dans le cœur de l’Allemagne avec 300 000 hommes sans qu’on s’en doute », tenait parole et, par une simple marche, faisait capituler Mack ! C’est que Napoléon n’a plus la grande armée de Boulogne. Il a dû accomplir des prodiges pour réparer les faiblesses que l’Espagne lui cause, prodiges d’organisation qui entraînent aussi, malgré les contingents de la confédération germanique, de plus fortes levées d’hommes dans les cent quinze départements français. Non seulement il continue à manger d’avance une classe, mais il porte de 80 à 100 000 hommes le prélèvement annuel sur la jeunesse et il enrôle ceux des conscrits des classes anciennes qui n’ont pas encore été appelés. Ce sont