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NAPOLÉON

laisse sans suite les projets d’Erfurt, les allusions à la grande‑duchesse, au mariage avec sa sœur.

Et Paris, où l’on intrigue, où la Bourse manifeste à sa façon qui est la baisse des fonds publics, Napoléon devra bientôt s’en éloigner bien qu’il affirme qu’il n’y a « aucune présomption de guerre ». Pendant son absence, pendant cette nouvelle guerre d’Autriche dont il ne doute pas, pour sa part, bien qu’il en nie la possibilité, tout recommencera, s’il n’a pas effrayé les conspirateurs au risque de grossir lui-même le complot. Alors, à son retour à Paris, c’est, devant Cambacérès, Lebrun et l’amiral Decrès, la grande scène, dont le bruit passe tout de suite la porte du cabinet, à Talleyrand et à Fouché, les deux complices, foudroyés de la parole et du regard, Talleyrand surtout, le plus durement traité, comme si Napoléon ne pardonnait pas au grand seigneur, à l’évêque marié, au ministre qui a eu la direction et les secrets de sa politique, tandis qu’il dédaigne le cuistre de collège devenu conventionnel, homme de police et des bas métiers. Reproches mérités, injurieux, qui ne laissent dans l’ombre rien de ce que sait l’empereur. Avec dureté il rappelle à Talleyrand ses conseils perfides et ses flatteries par‑devant pour mieux critiquer par‑derrière. Il ajoute ce qu’il y a de plus insultant, les accusations d’improbité, l’enrichissement dont les princes confédérés lui ont dit l’origine. Encore Napoléon ne sait‑il pas tout. Il ignore le double jeu diplomatique d’Erfurt, les avis donnés par Talleyrand à la Russie et à l’Autriche. Et, après cette sortie terrible, c’est l’apostrophe où Bonaparte, devant ces témoins de sa vie, ne craint pas d’évoquer la fragilité de son trône : « Apprenez que, s’il survenait une révolution nouvelle, quelque part que vous y eussiez prise, elle vous écraserait les premiers. »

La grande scène du 28 janvier 1809, calculée pour la publicité, est surtout remarquable par l’absence de la sanction. Les deux hommes qui viennent d’es-