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LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE

un historique des infidélités de l’Espagne et de ses intelligences avec l’ennemi, un tableau de son gouvernement débile et de son administration arriérée, un rappel du principe de la politique française, invariable depuis un siècle, qui était d’avoir une sécurité complète du côté des Pyrénées, le mémoire disait : « L’objet le plus pressant est la guerre contre l’Angleterre. L’Angleterre annonce ne vouloir se prêter à aucun accommodement. L’impuissance de faire la guerre la déterminera seule à conclure la paix. La guerre contre elle ne peut donc être poussée avec trop de vigueur. L’Espagne a des ressources maritimes qui sont perdues pour elle et pour la France. Il faut qu’un bon gouvernement les fasse renaître, les améliore par une judicieuse organisation et que Votre Majesté les dirige contre l’ennemi commun pour arriver enfin à cette paix que l’humanité réclame, dont l’Europe entière a si grand besoin. Tout ce qui conduit à ce but est légitime. » Telles sont, pour conclure, les circonstances qui ont obligé l’empereur à prendre sa grande détermination. « La politique la conseille, la justice l’autorise, les troubles de l’Espagne en imposent la nécessité. Votre Majesté doit pourvoir à la sécurité de son Empire et sauver l’Espagne de l’influence de l’Angleterre. »

Et que telles soient les raisons par lesquelles Napoléon s’est déterminé, on n’en doute plus quand on le voit, de Bayonne même, dès que la double abdication est acquise, s’occuper de tirer parti des ressources de l’Espagne et de lui refaire une marine afin de ranimer la guerre navale contre l’Angleterre, quand on lit les instructions à Decrès aussi nombreuses, aussi pressantes qu’au temps de Boulogne. Tout est tendu vers la reprise des opérations de mer, tout est expliqué, et, pour l’Empereur, justifié par là. Sur les chantiers de France, d’Espagne, d’Italie, de Hollande, des navires seront construits. Il faut aller vite. Napoléon calcule que,