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L’OUVRAGE DE TILSIT

qu’il faut maintenant courir, « depuis Gibraltar jusqu’au Texel », à toutes les issues par où peuvent entrer des marchandises anglaises, puisque c’est dans son commerce seul que la nouvelle Carthage peut être frappée.

Mais quelle tâche, qui est à recommencer toujours ! Alexandre, malgré le mécontentement de ses boïards et de ses marchands, le même mécontentement qui avait coûté la vie à Paul Ier, vient enfin, à force d’objurgations, de mettre l’embargo sur les navires anglais. Seulement il faut lui donner, aux dépens de la Turquie, les satisfactions promises, et alors ce sont les Turcs qui passent dans l’autre camp et qui rouvrent Constantinople à l’Angleterre. En Hollande, Louis n’arrive pas à faire respecter le blocus par ses propres sujets. Napoléon l’accable de conseils sur l’art de gouverner, le rappelle à ses devoirs, le réprimande, se fâche. La combinaison du royaume de Hollande n’est assurément pas la bonne ; il faudra songer à une autre. En Étrurie, il y a une reine, une Bourbon d’Espagne intronisée là naguère, au scandale des Jacobins de Paris, pour faire plaisir à la cour de Madrid. Cette reine laisse passer par Livourne trop de cotonnades, comme le pape en laisse trop passer à Ancône. Elle sera expédiée, dédommagée ailleurs. Il y a des plans sur le Portugal. Il faut en finir, toujours selon la logique du système, avec cette dépendance de la couronne britannique. Lisbonne et Oporto ne sont que des « comptoirs anglais ». Un tiers du territoire portugais sera donné à la reine d’Étrurie, un tiers au prince de la Paix, le dernier à Napoléon lui‑même qui, de là, surveillera le reste. C’est le traité de Fontainebleau, le traité de conquête et de partage franco‑espagnol, pour en finir avec la maison de Bragance, comme on en a fini avec les Bourbons de Naples, « vendus » eux aussi, à l’Angleterre. Et là non plus Napoléon n’innove pas. Quand il écrit au roi d’Espagne : « Je m’entendrai avec Votre Majesté pour faire de ce