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NAPOLÉON

un mariage qui l’unira à l’une des maisons impériales, et c’est à celle de Russie qu’il songe, au moment où il combat l’armée russe, parce que sa pensée la plus fixe est d’obtenir l’alliance d’Alexandre, faute de laquelle s’écroulent tous ses plans. Et si, alors, l’hérédité, dont naguère il se souciait si peu, prend pour lui un sens, si la fondation de la « quatrième dynastie », ridicule quand les frères et les sœurs se disputaient les places dans l’ordre de succession, devient naturelle par l’espoir de procréer, l’autre raison, et non, à ses yeux, la moins forte, c’est qu’en épousant à son tour une princesse, il resserrera les liens de l’Europe, la fédérera mieux en se mêlant lui‑même à ses monarchies, aux familles de ses rois.

Que comptaient la Pologne et Marie Walewska elle-même devant ces combinaisons ? Il avait besoin des Polonais. Il aurait encore besoin d’eux comme auxiliaires. Mais, pas même pour l’amour de Marie, il ne créerait rien d’irréparable, rien qui compromît sa politique. On lui a reproché de ne pas avoir effacé les partages, de n’avoir pas ressuscité la nation polonaise, de s’être contenté pour elle d’une faible réparation, d’une ombre, d’une miette d’indépendance, de ne pas s’être préparé l’appui d’une grande Pologne pour le jour où les peuples se lèveraient contre lui. Mais il a des vues moins lointaines et, dans l’immédiat, pratiques. Soutenir la cause de la Pologne, c’est rendre la paix impossible avec les puissances copartageantes, la Russie, la Prusse, l’Autriche. C’est même les avoir toutes trois pour ennemies. Dans l’esprit de Napoléon, la Pologne est déjà sacrifiée à son grand dessein continental qui est commandé par l’objet essentiel, vaincre l’Angleterre. Alors, tandis que l’empereur, durant ses quartiers d’hiver, encourage les Polonais à former des légions et provoque la formation à Varsovie d’un gouvernement provisoire, il évite de s’engager avec eux. Il leur laisse espérer l’indépendance