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NAPOLÉON

cet homme-là toute paix véritable est impossible afin de rejeter sur lui l’odieux d’une guerre dont la fin sera l’anéantissement de la puissance britannique, ou bien la renonciation de la France à ses conquêtes. Pitt l’indomptable est mort, désespéré d’Austerlitz, en s’écriant : « Ô ma patrie, dans quel état je te laisse ! » Fox l’humanitaire relève le flambeau.

L’empereur, pourtant, y met du sien. Ou plutôt il le croit. Il reprend les choses où elles en étaient à la rupture de la paix d’Amiens, et, puisqu’on avait rompu pour Malte, il laissera Malte à l’Angleterre. Comme s’il s’agissait de cette île ! Hormis les sujets brûlants dont on ne parle pas, il semble que l’on puisse s’entendre sur tout, même sur la Sicile, dépendance du royaume de Naples, quoique le roi Joseph, qui n’est pas si bien assis dans ses États, soit fort loin d’en acquérir l’annexe insulaire. Du reste, en même temps qu’il négocie avec Lord Yarmouth, Talleyrand négocie avec Oubril, l’envoyé d’Alexandre. C’est la manœuvre dont il se promet le plus beau succès. Un accord avec l’Angleterre obligera la Russie à traiter et réciproquement. Il est vrai qu’il y a un détail. Pour que la Prusse n’entrât pas dans la troisième coalition, le Hanovre lui avait été promis. Il faudra le rendre à la couronne britannique. Peu importe. Si l’on s’arrange avec les Anglais et les Russes, la Prusse sera indemnisée ailleurs. Ce n’est pas la place qui manque en Allemagne. D’autre part, ce Hanovre, la Prusse y tient. Elle a mordu à l’appât. Alors, si la paix échoue avec l’Angleterre et avec la Russie, la dépouille hanovrienne répondra de la fidélité des Prussiens à l’alliance française. Ce n’est pas tout. La Prusse reste la grande favorite de l’empire napoléonien comme elle l’a été de la Révolution, et le ministre des Affaires étrangères n’est‑il pas celui du Directoire ? Talleyrand n’assure-t-il pas ici la tradition et la continuité ? De très bonne foi, parce que c’est