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NAPOLÉON

Voilà pourtant le nouveau système de la lutte contre l’Angleterre qui prend figure et corps. Ce que Napoléon fait marcher « avec la rapidité de la pensée », ce ne sont pas seulement ses armées mais les diplomates, les chancelleries, les dynasties. En sept semaines, il change la physionomie de l’Europe avec une telle abondance de négociations, d’instructions, de conventions, d’écritures, qu’il faudrait des pages pour les résumer, un volume pour en dire le détail. Les beaux jours du Consulat, qui furent presque des jours de repos, sont passés. Désormais le règne s’écoulera comme un torrent, dans une perpétuelle bousculade.

Tout cela, d’ailleurs, raisonné, relié à une idée centrale. Un bref contact avec Alexandre, par l’entremise de Savary, confirme Napoléon dans l’hypothèse que, si l’alliance russe n’est pas mûre, elle n’est pas inconcevable. Il la calcule pour un avenir de deux à trois ans, et, se gardant de blesser l’orgueil du tsar, laisse les débris de l’armée vaincue quitter paisiblement l’Autriche. Les militaires haussent les épaules, ne comprennent pas que la victoire ne soit pas mieux exploitée. On ménage l’Autrichien, le Russe. Vandamme grogne : « C’est vouloir qu’ils soient à Paris dans six ans. » Mais, justement, Napoléon regarde vers Paris, où l’on aspire à la paix, où l’esprit n’est pas bon, où il est pressé de revenir. Et puis, il y a cette chose urgente à faire, s’assurer de la Prusse. Si la bataille d’Austerlitz avait mal tourné, les Prussiens entraient en ligne, coupaient la retraite des Français. Ce péril, — qui sera celui de 1813 — étant conjuré, il s’agit de beaucoup mieux, non seulement de séparer la Prusse de la coalition mais d’obtenir son alliance. Napoléon s’efforce de se l’attacher par des menaces et par des promesses. On lui donnera le Hanovre, domaine du roi d’Angleterre. Qu’elle ferme seulement ses ports aux Anglais. C’est la condition nécessaire, car, déjà, moins le nom, le blocus continental