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AUSTERLITZ MAIS TRAFALGAR

porer parce qu’elle ne lui était pas utile, mais, ne pouvant la laisser vacante, à la discrétion du premier venu, l’érigea en principauté au bénéfice de sa sœur Elisa, déjà duchesse de Piombino et qu’on caserait dans ce fief avec son mari, ce Baciocchi encombrant dont on ne savait que faire.

Gênes, Lucques n’importaient ni à la Russie ni même à l’Autriche pour qui la question d’Italie se présentait dans un ensemble autrement vaste. Tel fut pourtant le motif qu’allégua d’abord la Russie pour sa volte‑face, acceptant désormais que l’Angleterre gardât Malte, et que reprit l’Autriche pour se joindre au traité anglo-russe et entrer dans une guerre dont elle espérait sa revanche et l’annulation du traité de Lunéville. Ces deux puissances s’abritaient d’un prétexte et si celui de Gênes ne s’était présenté, elles n’auraient pas manqué d’en trouver un autre. La diplomatie et les subsides de Pitt faisaient le reste. Depuis douze années les coalitions se succédaient pour que la France renonçât à ses conquêtes. Les coalitions devaient renaître toujours.

Ainsi, bien loin que Napoléon simule une attaque à fond contre l’Angleterre pour se retourner par surprise contre les Autrichiens et les Russes, c’est l’Angleterre qui organise une diversion parce qu’elle redoute à l’extrême d’être envahie. Que le passage de la Manche, si souvent tenté, réussisse, qu’une armée française débarque et c’en est fait d’elle aussi sûrement que le jour où Guillaume le Conquérant était descendu dans l’île. C’est une partie décisive qui se joue.

Pour elle et pour Napoléon. L’activité de sa correspondance, la multiplicité des combinaisons qu’il élabore et des hypothèses qu’il forme, tout atteste qu’il a conscience d’engager là sa destinée. Il y pensait du fond de l’Italie. Il y pensait jusque dans les fêtes, ne négligeant aucun renseignement, préparant par le détail le succès de cette opération de mer comme il préparait ses campagnes terrestres. Il est