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NAPOLÉON

Il y a même quelque chose de tragique dans cette recherche de la solidité, dans cette inquiétude qui ne s’avoue pas, dans cette mise en œuvre de tous les ressorts. Si l’âme d’un souverain, naît en lui, ce n’est pas seulement par cette grâce d’état qui fait que l’homme se façonne à son rôle. Il pense à la condition, aux devoirs d’un monarque, aux fautes qu’une monarchie ne doit pas commettre. Il a vu tomber les Bourbons. Il a vu comment l’impopularité les avait atteints, comment leurs ennemis avaient été à l’affût du scandale. Il a, présente à la mémoire, l’affaire du collier. C’est encore impunément que Joséphine prodigue l’argent et que l’armoire aux bijoux de Marie‑Antoinette est trop petite pour la femme de Napoléon. Mais qui sait si, un jour, le peuple ne murmurera pas ? Il faut que la famille impériale soit propre, honorable, au‑dessus du soupçon. Plus elle part de bas et plus la tenue lui est nécessaire. De là sa sévérité pour les mariages de Lucien et de Jérôme. Lui, il fait passer sa femme, il l’a imposée, mais c’est lui. Ses frères, ses parents n’ont pas le droit de le diminuer ni de le compromettre. « Comment ! je veux rétablir les mœurs et l’on m’amène une telle femme dans ma famille ! Assez longtemps la France a été gouvernée par des grands qui se croyaient tout permis. Je serai inexorable. » Il ne pardonne pas à Lucien qui, plutôt que de renvoyer sa compagne, préfère l’exil. Jérôme devra rompre son mariage américain, qui eût été, quelques années plus tôt, un mariage inespéré pour un Bonaparte. Il sera contraint de répudier Mlle  Patterson, d’épouser une vraie princesse. Interdiction de descendre. Il faut s’élever. Il faut aussi paraître moral, ne pas donner prise à la malignité publique ; il faut que toute la famille comprenne, comme son chef, qu’elle sera durement rappelée à ses origines si elle les oublie.

Le sacre n’est pas non plus l’idée d’un mégalomane romantique. Sans doute, en recommençant