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NAPOLÉON

découragés, mais chez qui le retour de la guerre ranime l’espoir d’en finir avec l’usurpateur. D’une audace rare, d’une énergie trempée dans les luttes vendéennes, c’est la chouannerie elle-même qu’ils ramèneront jusqu’à la route du camp de Boulogne ou de Malmaison, jusqu’aux portes des Tuileries, sans se douter que si le « coup » manque, c’est le Corse lui‑même qu’ils rendront « essentiel ».

Le véritable état de guerre, il est alors à l’intérieur. Le 23 août 1803, Georges Cadoudal, conduit par un navire anglais, a escaladé la falaise de Biville. Le voici à Paris pour la chasse à l’homme. Il prépare l’assassinat ou, de préférence, l’enlèvement du premier Consul. Les jours recommencent où le gouvernement était à la merci d’un coup de pistolet. Tombé en disgrâce depuis qu’il s’est opposé au Consulat à vie, Fouché n’est plus ministre de la Police, mais il en tient encore les fils. De sa retraite, il avertit : « L’air est plein de poignards. » C’est plus qu’un complot. C’est une conspiration, au sens le plus vrai et le plus fort, car elle rassemble des hommes très divers qu’anime la même haine, celle de Bonaparte, qui veulent tous ensemble cette même chose, qu’il disparaisse. Il y a les royalistes, c’est entendu. Il y a quelques jacobins irréductibles. Il y a encore ceux qu’on appelle les « amis de l’Angleterre » et que la rupture de la paix irrite parce qu’elle les dérange dans leurs intérêts et dans leurs goûts. Le nombre de ceux qu’exaspérera l’interminable état de guerre ira d’ailleurs croissant jusqu’à la chute de l’Empire. Mais il y a les militaires surtout. L’armée compte plus de républicains que le Tribunat, plus d’irréconciliables que le faubourg Saint-Germain. Pour dire le mot que Napoléon ne mâchait pas, qu’il a répété jusqu’à sa mort, elle comptait des « traîtres ». Qui le savait mieux que le premier Consul ? N’avait‑il pas ses raisons d’éloigner Lannes et Brune, nommés ambassadeurs l’un à Lisbonne, l’autre à Constantinople, tandis que Macdonald était