Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
NAPOLÉON

que j’aie faites », disait‑il. Le sacre ne serait pas une chose plus aisée.

L’habileté était de se servir des circonstances et de célébrer la paix avec l’Angleterre en même temps que la paix avec l’Église. C’est le char du triomphe qui doit entraîner jusqu’aux pieds des autels les hésitants, les opposants, les boudeurs. Et le char n’est pas une image. Pour le cortège qui se rend au Te Deum, on a remis à neuf les voitures de gala qui avaient servi à Louis XVI. Paris revit aussi ce jour‑là des livrées. Vertes aux galons d’or, ce seront celles de la maison impériale, — un défilé de costumes et de toilettes, déjà tout un apparat de cour auquel une renaissance de l’étiquette ne manque même pas.

Le mot du général Delmas au premier Consul qui lui demandait comment il avait trouvé la cérémonie est resté fameux. Il a reçu plus d’une application dans l’histoire : « Belle capucinade ! Il n’y a manqué que le million d’hommes qui sont morts pour abolir tout cela », répondait le soldat de la Révolution. En ce temps-là, lorsque le premier Consul confiait à Mollien qu’il était temps de sortir de « l’ornière du républicanisme », c’était dans l’armée que se réfugiait l’esprit républicain. L’armée, qui n’est pas soumise au renouvellement du cinquième, ne se prête pas aux épurations périodiques comme les Assemblées. Et l’armée murmure plus qu’elles. On trouve Lannes parmi les mauvaises têtes. On y retrouve Augereau et Bernadotte, le plus actif, le plus intrigant, Bernadotte qui est presque de la famille consulaire puisqu’il a épousé l’autre Clary et qu’il est le beau-frère de Joseph. Assassiner le premier Consul au milieu de la « belle capucinade », puis, aussitôt, faire marcher sur Paris l’armée de l’Ouest que Bernadotte commande, tel est le plan de cette conspiration militaire, en rapport avec ce qu’on a nommé la conspiration de Rennes qui consistait essentiellement à exploiter