Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
NAPOLÉON

mettait de respirer. La paix, et glorieuse, avec l’Autriche puis avec l’Angleterre, la paix, à l’intérieur, achevée par le Concordat, seront les fruits de Marengo. Et parce que la masse le pressent, la popularité de Bonaparte grandit ; elle devient d’un aloi qu’elle n’a pas encore connu. Témoins, acteurs de la Révolution le remarquent tous. Depuis dix ans, depuis la fête fameuse de la Fédération, jamais réjouissances n’ont été sincères et nationales comme celles qui accompagnent le retour du premier Consul. Vaincu, on l’eût enterré. Vainqueur, on l’adorait. Seulement ceux qui ne désarment pas, jacobins attardés, royalistes irréductibles comprennent aussi que son autorité s’est assise plus solidement. Les coups de canon qui annoncent la victoire « rivent nos fers », disent les premiers. Et Hyde de Neuville exprimera sous une forme menaçante la pensée des autres : « Le pouvoir s’est incorporé à lui-même. » D’où la tentation de frapper au corps. Désormais la Révolution peut être tuée dans un seul homme, et, pour les républicains, la dictature peut l’être aussi. L’ouvrage est simplifié. Dans l’ombre, avec sa conséquence incalculée, qui sera l’Empire héréditaire, le meurtre se prépare. Et tous les succès que Bonaparte remportera maintenant exaspéreront ses adversaires, leur fourniront même de nouvelles raisons et de nouveaux moyens de s’attaquer à sa personne jusqu’à ce qu’ils approchent de lui le trône par leur fureur même à laquelle il aura échappé.

D’Italie, il était revenu avec une irritation qu’il dissimulait à peine contre les républicains qui avaient songé à le supplanter. Cette rancune allait jusqu’à le tromper sur les sentiments des royalistes. Reprenant son système de fusion, il fait pencher la balance du côté de la droite et les jacobins lui semblent ses seuls ennemis. En Italie même, il est allé, dans ses avances au pape, plus loin qu’en 1797. Alors, devant le clergé lombard, il avait osé parler de