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NAPOLÉON

Un des premiers soins du premier Consul fut de pacifier la Vendée.

Tout en lui donnant dix jours pour se soumettre, il entre en négociation avec les chefs, les fait venir auprès de lui, montre son estime pour leur caractère et pour leur bravoure, s’adresse à leur fibre nationale, laissant croire au besoin — c’était une ruse dont on s’était déjà servi avec Charette — qu’il ne serait pas opposé au retour des Bourbons. En même temps, il rappelle l’abbé Bernier, influent dans l’Ouest et qui s’était réfugié en Suisse. Il lui donne l’assurance que le culte sera libre, que les pays catholiques garderont leurs prêtres non assermentés, non « jureurs ». Les églises qui se sont déjà rouvertes un peu partout, les cloches si longtemps silencieuses qu’on laisse sonner, beaucoup de manifestations d’une renaissance de la foi sur lesquelles il ferme les yeux donnent du poids à ses paroles. C’est déjà l’annonce du Concordat. La suppression des fêtes révolutionnaires qui ne rappellent que des souvenirs de sang, celle du 21 janvier surtout, qui lui a toujours répugné, est une autre sorte de gage. Le premier Consul a canonné l’opposition royaliste en vendémiaire et l’a « fructidorisée » par Augereau. Il la désarme maintenant par de bons procédés et de bonnes paroles. S’il ne révoque pas les lois contre les émigrés, ce qui alarmerait les acquéreurs de biens nationaux, s’il n’annule pas en bloc les proscriptions de fructidor, ce qui inquiéterait les républicains, il accorde des grâces individuelles qui ne lui valent peut‑être pas toujours de la reconnaissance, mais qui font dépendre de lui beaucoup de gens. Et là encore, il n’a rien inventé. C’était la méthode dont Fouché s’était déjà servi au ministère de la police avant brumaire.

C’est ainsi qu’il apaisa, s’il ne put l’éteindre définitivement, la grande insurrection de l’Ouest. Quelques-uns des chefs furent séduits par son accueil, son langage. Mais un irréductible, Frotté, pris par