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LE PREMIER DES TROIS

fallait une réconciliation nationale autant que la répression de l’anarchie. Et l’union des Français, personne mieux que Bonaparte ne pouvait s’en charger. Ce programme était dans sa pensée parce qu’il était d’abord dans la nature d’un homme que nous avons vu étranger aux factions, étranger dans le sens le plus fort, et jusque dans le sens propre du mot. Sans doute, la poursuite de la paix définitive sera vaine. La déception ne viendra qu’avec lenteur, parce que la masse aura vu en outre, dans le maître qu’elle accepte, celui qui lui garantit que la Révolution est « fixée à ses principes ». L’invasion finale elle-même ne lui fera pas oublier ce qu’elle avait attendu de son chef. Au retour de l’île d’Elbe, elle renouvellera crédit à celui qui, empereur, était resté le général Vendémiaire, sauveur de la Révolution. Selon la remarque de Chaptal, les réquisitions, la conscription auraient dû le faire abhorrer des ruraux. Mais « il les rassurait sur le retour des dîmes, des droits féodaux, la restitution des biens des émigrés ». Tel apparut le premier Consul. Là-dessus l’empereur ne le démentira pas. Même quand il cesserait d’être « l’homme de la République », il demeurait fidèle au génie de la Révolution.

Et quand on observe les premiers actes du gouvernement de Bonaparte, on se rend compte que sa grande supériorité a été celle de l’intelligence. Le pouvoir était venu entre ses mains, par la conspiration de quelques hommes actifs et d’une foule consentante, dans des circonstances et des conditions bien définies et pour des tâches immédiates. Ce qu’il y avait à faire, c’était de remettre sur pied un pays malade et qui, dès que l’hiver serait achevé, aurait encore une guerre à soutenir. Il faut ici reprendre le fil, se rappeler que Brune à Bergen et Masséna à Zurich avaient simplement arrêté l’invasion. Avec le printemps, les hostilités recommenceraient. Cependant, les fautes du Directoire, fautes qui venaient de causer sa chute et qui justifiaient le