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18 brumaire, 9 novembre 1799, — auquel le coup était fixé. La veille, Bonaparte dînait au ministère de la Justice, chez Cambacérès, qui n’était pas du complot. Trois jours avant, il avait assisté, — sans manger, par crainte du poison, — au banquet donné par les Conseils en son honneur et en l’honneur de Moreau. Tout se passait dans le monde officiel.

Et le scénario que Sieyès avait imaginé était officiel aussi. L’opération devait s’accomplir, en deux journées, dans le Parlement, avec le Parlement, selon le règlement parlementaire. Sous prétexte d’une conjuration anarchiste découverte à Paris, le Conseil des Anciens serait convoqué en séance extraordinaire et à une heure, pour la saison, très matinale. Les conjurés avaient des complices bien placés dans cette assemblée, notamment les questeurs. Pour plus de sûreté, les membres suspects furent « oubliés » dans l’envoi nocturne des billets de convocation. Les Anciens, sans discuter, et après lecture d’un rapport sur l’imminence du danger, voteraient, comme la Constitution l’autorisait, le transfert du Corps législatif hors de Paris. On avait choisi Saint-Cloud. L’exécution du décret, la sécurité des Conseils et le maintien de l’ordre public seraient confiés au général Bonaparte nommé commandant supérieur des troupes de la garnison de Paris. Cela fait, Bonaparte, disposant de la force armée, annihilerait les trois Directeurs dont il s’agissait de se débarrasser. Gohier, berné jusqu’au dernier moment, et Moulin, dont les yeux s’ouvrirent trop tard, seraient immobilisés au Luxembourg jusqu’à ce qu’ils eussent donné leur démission, et placés sous la garde de Moreau, qui se contenta de ce rôle peu glorieux de geôlier du pouvoir exécutif. Quant à Barras, joué aussi, car on l’avait entretenu dans l’idée qu’il « en serait », comme on avait laissé Gohier à l’illusion qu’il ne pouvait pas « ne pas en être », Talleyrand se chargeait de l’expédier. Il serait instamment prié de se rendre dans