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tive dérange l’ordre ordinaire des choses, il y a jusqu’au pouvoir suprême. Alors, à chaque pas qui le rapproche de la couronne, nous voyons pourquoi, si elle devait aller à quelqu’un, c’était à Napoléon. Il est toujours celui qui voit grand, celui qui a l’horizon le plus large. Il part pour l’Égypte avec des soldats et aussi avec des savants, des artistes, des ingénieurs, des naturalistes, des juristes, de quoi composer une administration, fonder un État, rendre à la lumière ce qui dort sous la terre des Pharaons, mettre en valeur les richesses du pays, préparer le percement de l’isthme de Suez. Il a emmené jusqu’à un poète pour chanter ses exploits. Et sans doute ce poète officiel s’appelle Parseval-Grandmaison. Ce n’est pas la faute de Bonaparte, c’est la faute du siècle s’il n’a pas trouvé mieux.

En Égypte comme en Italie, il a des idées de gouvernement, il crée. Et c’est lui qui aura fondé l’Égypte moderne, la délivrant d’abord, par ses victoires, de l’oppression des Mamelouks, un peu comme il avait délivré la Lombardie des Autrichiens, ensuite lui donnant l’empreinte occidentale et française, telle que les Égyptiens étaient capables de la recevoir et dans une mesure si juste qu'elle a duré. Car, ici encore, c’est l’intelligence qui domine et qui rend compte de son succès. L’Islam, il le connaît déjà, il l’a étudié. Il sait parler à des musulmans et les comprendre. Il s’intéresse à leur religion, à leur histoire, à leurs mœurs. Il s’entretient avec les ulémas, il se montre respectueux de leurs personnes et de leurs croyances. Il ordonne même que les fêtes de la naissance du Prophète soient célébrées. Il y a là une part de comédie. Un autre tomberait dans la mascarade. « Nous trompons les Égyptiens par notre simili-attachement à leur religion, à laquelle Bonaparte et nous ne croyons pas plus qu’à celle de Pie le défunt, » transcrivait en vulgaire le général Dupuy. Mais le premier Consul dira à Rœderer : « C'est en me faisant catholique que j’ai fini