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paysage vaste et désert, un large horizon, et surtout des eaux qui semblent protéger la majesté royale contre les approches du vulgaire, refont une originalité à ce Versailles transporté comme par magie aux environs de Munich. Mais que de peine il en a coûté ! Si Louis XIV s’est plu à faire violence aux difficultés, que dira-t-on de Louis II ? La petite île d’Herrenwœrth, du domaine de la Couronne, était tout juste assez solide pour supporter le poids d’une pareille construction. Les courants qui traversent le lac rongent ses bords. Les déboisements qu’il a fallu faire en ont encore compromis la solidité, peut-être même la stabilité. Herrenwœrth n’était que sable et marécages, et, quelques précautions que les architectes aient prises, on peut redouter qu’un jour le palais ne glisse dans la vase. Déjà, l’on raconte dans le pays qu’en des temps reculés un château fut englouti par les eaux du lac. Le même sort menace peut-être la création qui tint le plus au cœur de Louis II, le dernier grand rêve de sa vie.

Ce n’est qu’en 1878 que les fondations d’Herrenchiemsee purent être entreprises. Louis II commençait de succomber aux embarras d’argent, et il entreprenait une œuvre plus coûteuse encore que les autres. Linderhof inachevé, l’énorme Neuschwanstein interminable, engloutissaient chaque année de grosses sommes. Des idées nouvelles, des fantaisies imprévues, dont le roi exigeait la réalisation immédiate, rendaient même toute prévision de dépenses impossible. Le roi de Bavière, outre ses revenus personnels, d’ailleurs assez médiocres, avait droit à une liste civile d’environ cinq millions de francs. En eût-il reçu dix fois plus que Louis II eût encore trouvé le moyen de s’endetter. La manie de la construction coûte cher. Et si les admonestations de Colbert étaient restées sans effet sur Louis XIV, on juge si Louis II, qui était loin de posséder au même degré que son modèle