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l’automne, l’« Ami » et « l’Unique » se rencontrent une fois par semaine. Néanmoins, les griefs de l’opinion contre Wagner se précisent. Quelques incidents malheureux augmentent son impopularité. Ainsi, à la suite d’une discussion où il injuria le chef de gare de Munich, il fut condamné à 25 florins d’amende. Malencontreuse mésaventure.

Toutefois, le scandale n’éclata que lorsque les Munichois craignirent que le wagnérisme mît leur bourse en péril. Non seulement l’étranger, le bohème, le révolutionnaire de Dresde vivait aux frais de la nation mais voici qu’il allait entraîner le roi dans de bien plus vastes dépenses. En effet, après avoir décidé la création d’un nouveau Conservatoire, Louis II, sur le désir de Wagner, projetait de construire un théâtre spécial pour y jouer les œuvres du Maître. Le monument, dont l’architecte Semper fut chargé de dresser les plans, devait s’élever sur la rive droite de l’Isar. On construirait un pont monumental ; et une large voie, semblable et perpendiculaire à la plus belle rue de Munich, la rue Louis, serait percée à travers les faubourgs populeux de cette partie de la cité. C’eût été une superbe route triomphale vers la maison sacrée de l’art wagnérien. C’eût été aussi une lourde charge pour l’État et pour la ville, en frais de construction et d’expropriations.

Le projet avait enchanté Louis II. Ce monument, dans son idée, devait rester comme le symbole de son règne. Son grand-père avait construit des musées. Lui, il dresserait un temple à la musique. Ce serait de plus le sceau de son amitié pour Wagner : par là, leurs deux noms resteraient indissolublement liés. Le roi et le musicien passeraient à l’immortalité de compagnie… Aussi, quelle ardeur, quel enthousiasme il apporte à la réalisation prochaine de cette idée. Déjà, avec sa bouillante impatience d’adolescent, il voudrait voir s’éle-