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chera à son ami, à l’Unique, selon le mot dont ses lettres désespérées feront alors un si désolant abus.

En effet, les commencements de cette amitié n’avaient pas, en Bavière, éveillé l’attention. On n’avait pas accordé d’importance à l’arrivée du favori, quoique Wagner fût loin d’être alors un inconnu. Le 7 mai, le Journal universel d’Augsbourg enregistre simplement cette nouvelle : « Depuis quelques jours, M. Richard Wagner est arrivé dans notre ville au Théâtre Royal, on va mettre à l’étude son opéra Le Vaisseau Fantôme. » Le lendemain, on annonce que le musicien se fixera à Munich, la « munificence » de Sa Majesté lui assurant désormais « une paisible vie d’artiste ».

Il y eut d’abord, à Munich, dans le monde et chez les personnes qui approchaient plus ou moins la cour, un véritable déchaînement d’enthousiasme wagnérien. Sans doute, il n’y entrait qu’une faible sincérité on connaît ces snobismes compliqués de courtisanerie. Il en fut à la cour de Louis II comme à la cour de ce roi qui boitait : tout le monde se piqua de wagnérisme. C’était à qui baptiserait les enfants Elsa, Yseult ou Siegfried. Les modes furent wagnériennes et wagnériens les emblèmes. Sur les consoles et sur les cheminées voguaient des escadres de cygnes. Dans les concerts comme aux revues militaires, dans les salons comme dans les brasseries et beuveries de bière, on n’entendait que motifs wagnériens. Sans vouloir rechercher ce que cette admiration avait de superficiel et de factice, Louis était heureux ; il croyait vivre dans une atmosphère de poésie, de rêve et d’art. Il pouvait aussi se féliciter que Munich, grâce à lui, fût devenue la capitale de la musique allemande, comme son aïeul Louis Ier en avait fait une grande ville d’art. Et si, en effet, Munich attire aujourd’hui tant d’étrangers à ses séries musicales d’été, si l’opéra wagnérien est aussi