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prétexte que son visage lui déplaisait. On représenta au souverain qu’une telle disgrâce risquait de blesser profondément, et sans cause, un fidèle serviteur de l’État. Louis s’inclina, mais non sans exiger qu’à la cérémonie prochaine on dissimulerait à sa vue le héraut sans beauté.

À dix ans, Louis II avait déjà une physionomie expressive, une tête de caractère : yeux rêveurs, front lumineux, visage finement ovale. Au seuil de la virilité, l’image montre encore ses traits réguliers et délicats, mais amaigris et comme brûlés par le feu de ses larges prunelles noires qu’il lève volontiers à la façon des inspirés. C’est un idéaliste, c’est un enthousiaste. Une flamme anime ce beau visage. Mais c’est une flamme qui dévore trop.

À ce moment, devinant peut-être un péril et d’ailleurs averti de l’approche de la mort, Maximilien voulut tirer son fils de la solitude et de la déprimante rêverie où il l’avait abandonné jusque-là.

Peut-être avait-il été effrayé par le rapport que le comte Larosée, gouverneur du prince royal, lui avait remis le 25 août 1863, jour de la dix-huitième année de son élève, déclaré majeur par la loi. En effet, le comte attirait surtout l’attention du roi sur la Phantasie, c’est-à-dire sur l’imagination rêveuse de Louis « poussée chez le prince, ajoutait le sage gouverneur, à un point qu’on trouve rarement dans le cœur d’un jeune homme ». Et, en outre, il signalait une opiniâtreté en toutes choses, « peut-être un héritage de son royal grand-père », qui serait difficile à vaincre. Inquiétants pronostics pour un jeune homme qui, dès le lendemain, pouvait être appelé au trône.

Le roi Max résolut alors d’envoyer son fils à l’Université de Gœttingue. Il y avait passé lui-même dans sa jeunesse, et il avait éprouvé que la vie d’étudiant n’était pas une si