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lui ont fait le plus grand tort. Il y a une façon très sûre de passer pour dément aux yeux du commun : c’est de ne pas s’habiller comme tout le monde. Depuis longtemps, Louis II avait fâcheusement attiré l’attention par l’irrégularité de son costume. Son chapeau de haute forme rehaussé d’une aigrette, sa toque de velours bleu ornée d’un diamant, étaient depuis longtemps considérés comme des détails de toilette très choquants pour le bon sens. Le public de Bavière et même d’autres lieux était tout disposé à admettre qu’un prince qui se coiffait d’une façon si contraire aux usages fût capable de tout.

En somme, au moment où approchait le drame, les manies de Louis II, ses habitudes de misanthrope et de solitaire pouvaient s’être aggravées. On peut noter aussi des troubles nerveux, des hallucinations qui avaient pris un certain développement. Il est exact encore qu’il se croyait quelquefois persécuté. Mais aucun de ces symptômes n’était nouveau. Son impatience, son imagination, gardaient, comme l’a observé un témoin assez pénétrant, M. de Heigel, un caractère beaucoup plus enfantin que maladif. Si Louis II était fou, il l’avait toujours été, et il ne l’était guère plus en 1886 qu’en 1864.

Tout bien pesé, on est en droit de conclure qu’il y a doute. Et que le doute profite donc à Louis II. Son cas reste une énigme, comme tant de cas humains. Il aura eu le dédain suprême de ne pas en donner le mot à la postérité ; plus fort que Néron qui, avant de mourir, découvrit son mystère. Il est seulement fâcheux pour la supériorité du Wittelsbach que Munich ne soit pas une aussi belle scène que Rome.

Il y avait déjà longtemps que la déchéance de Louis II était demandée à Lutz, le ministre libéral qu’il avait de tout temps soutenu contre la droite et qui devait pourtant, à la