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et parce que ces choses se passaient dans un pays jeune et lointain. De tête et de cœur, les réformateurs, dans leur ensemble, admiraient beaucoup plus les modèles que donnait alors l’Europe, ceux du « despotisme éclairé ».

Le dix-huitième siècle, en effet, a vu naître une forme toute particulière de monarchie, qui, de même que dans la personne de Louis XIV, peut sembler unir en un seul être les prestiges de la royauté et ceux de la dictature. Et même, pour les philosophes qui admirent les princes couronnés de l’Europe centrale ou orientale, il est trop certain que les prestiges de la dictature l’emportent sur ceux de la royauté.

Car peu importent pour eux la tradition, les bienfaits de la durée et de l’hérédité monarchiques. L’essentiel est dans la politique suivie par une personne, par une individualité forte, qui, soutenue par les lois de la raison, s’impose à tous. C’est ainsi qu’aux hasards de l’élection, les philosophes ont été amenés à préférer une autre sorte de hasard, un hasard de la naissance qui n’a pas beaucoup de rapports avec la monarchie véritable, et place de temps en temps sur le trône un ami des lumières et du progrès. C’est ce que Renan, plus tard, appellera le « bon tyran ».

Naturellement, la théorie comptait moins