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LES SENSATIONS DE SURFACES

gauches et droits, dans le déplacement du regard, devait se retrouver aussi dans l’ensemble des mouvements exécutés par le pianiste. C’est en plaçant verticalement derrière les touches un miroir, s’étalant sur toute l’étendue du clavier, que j’ai cherché à me rendre compte si, pendant l’interprétation d’une œuvre musicale, la marche de mon regard s’adaptait librement ou avec contrainte, dans le miroir, à la marche des mains et des bras qui s’écartent et se rapprochent par des mouvements de va-et-vient, selon les directions différentes communiquées à l’échelonnement des notes.

Grâce à cette analyse, j’ai constaté que l’allure de mon regard était entravée par cette tentative de fusion ; son allure correspondait infiniment mieux que celle de mes bras aux rythmes musicaux que je sentais inhérents à ma pensée musicale et que j’aurais voulu provoquer dans mon jeu. Donc, au lieu de laisser mon regard se guider en suivant les mouvements de va-et-vient de mes bras, j’ai laissé, au contraire, mes bras se guider en suivant les mouvements de mon regard. Sous cette influence, le caractère rythmique de leur déplacement s’est aussitôt transformé. Dès que j’ai tâché d’imiter l’allure de mon regard, la nécessité de varier sans cesse la vitesse des mouvements par lesquels mes bras se déplaçaient m’a paru évidente.

Donc, comme les pulpes produisent, dans l’interprétation musicale, les manifestations auditives harmonieuses au moyen des surfaces à travers lesquelles les perceptions des dimensions sont grandissantes ou diminuantes, les bras doivent, en