Page:Jaëll - L’intelligence et le rythme dans les mouvements artistiques, 1904.pdf/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.
91
LES SENSATIONS DE SURFACES

cette forme, entraîne fatalement une impuissance grossière, qui entrave à la fois l’éducation du regard et celle du mouvement.

Apprendre à dessiner sans apprendre le rythme des mouvements correspondant à la forme des mouvements, c’est se servir volontairement de béquilles au lieu de se servir de jambes pour marcher. Si l’éducation se fait comme si l’on était infirme, on cultive fatalement des infirmes.

Le manque d’éducation de notre sensibilité tactile entraîne, il est vrai, une véritable dégradation de notre activité manuelle, de sorte que nous sommes tous réellement des infirmes par rapport aux ressources renfermées dans la structure et dans la motilité de notre main, ressources dont l’inutilisation est, au point de vue du développement cérébral, une perte de force qui rétrécit singulièrement l’activité de notre pensée.

C’est par l’éducation de ma main que ces différences rythmiques me sont devenues graduellement perceptibles, non seulement dans mes mouvements, mais dans ceux des autres et en général dans tout mouvement que je perçois. Et ces perceptions correspondent à une activité mentale intense, qui me suggère des impressions toutes nouvelles. Ainsi, pendant que je trace le trajet circulaire dont j’ai parlé, non seulement la représentation simultanée du rythme et de la forme renforce mes conceptions des rapports de ce trajet circulaire, comme si des différenciations prismatiques de coloris émanaient de ma plume pendant la durée de chaque parcours, mais pendant que je trace cette ligne circulaire, je