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L’ÉDUCATION DE LA PENSÉE ET LE MOUVEMENT

chacun de nous représente lui-même une image passagère de ces combinaisons de nombres dans l’unité du temps.

Qui dira le nombre des rythmes qui animent chacun de nous ? Qui dira comment s’établit l’équilibre sans cesse changeant qui harmonise ou désaccorde ces rythmes ?

C’est en raison de l’harmonique activité de nos sens qu’il faudrait, pour bien regarder, regarder non seulement visuellement mais musicalement, c’est-à-dire avec l’analyse spontanée de la durée différentielle des phénomènes visuels. Car si l’art musical est si particulièrement attrayant, c’est en partie parce que le déroulement des sons fait saisir mieux les différences des rythmes que le déroulement des images.

L’oreille peut faire discerner les oscillations infimes du rythme, l’œil, trop peu exercé, ne les fait pas voir.

Le secret des mouvements artistiques ne peut être pénétré que par la connaissance du mouvement qui anime ces mouvements. C’est dans ce mouvement encore inaperçu, renfermé dans les mouvements visibles, que réside la pensée ; il est en quelque sorte son émanation immédiate, dont l’analyse est encore impénétrée.

Nous devrions reconnaître les courants rythmiques par lesquels notre pensée anime nos mouvements, comme on peut reconnaître la forme de nos pensées dans la forme de notre toucher qui reste fixée, à l’aide des empreintes digitales, sur chaque objet touché par nos doigts.