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UN ENFER SCIENTIFIQUE.

— Mangeons.

— Pourquoi ? fit doucement miss Mousqueterr.

— Pour conserver nos forces. Il faut être fort jusqu’au bout. Vivre, c’est attendre la réalisation d’un rêve. Vivre, c’est espérer quand même. Renoncer à soutenir la vie serait déserter.

Elle inclina doucement sa jolie tête aux frisons dorés et elle prit place devant la table. Déjà Sara y avait conduit sa compagne de douleur. Sans doute la courageuse femme pensait ainsi que le romancier.

La chère était piteuse ; mais telle quelle, on y pouvait trouver un soutien physique. Les prisonniers de San mangèrent vite. Après quoi, ils demeurèrent inactifs, de nouveau repris par leurs pensées.

Deux heures. Les guerriers, geôliers au teint safrané, reparaissent. Ils desservent et s’éloignent, laissant les voyageurs à leur solitude douloureuse.

Agacé, secoué par un besoin irrésistible de mouvement, Max se lève. Il parcourt le poste B de long en large.

Parfois, il s’arrête près d’une des fenêtres, il promène au dehors un regard distrait.

Vingt grandes tentes de feutre se dressent autour de la cabane, formant un double arc de cercle, dont la rive du lac est la corde. Il y a aussi de nombreux yaks. Et soudain, le Français lance une exclamation qui fait accourir Violet auprès de lui.

— Qu’avez-vous ?

Pour toute réponse, il lui désigne un groupe agité, rieur, à une quinzaine de mètres. Elle regarde :

— Ah ! le guide, les porteurs qui nous ont abandonnés dans la montagne.

— Oui, et près d’eux, ces yaks…

— Les nôtres.

— En effet, je reconnais nos bagages.

— La caisse de Mlle  Mona, cette caisse aux tubes de lumière. Ah ! si nous les avions encore !

Il ne continue pas. La caisse, qui a suivi la fille du général Labianov depuis Stittsheim, est au pouvoir des séides de San.

L’espoir léger, que sa vue a peut-être fait naître dans l’esprit de l’écrivain, s’évanouit aussitôt, remplacé par la colère.

— Celui qui nous a joués, gronda-t-il. Celui que nous avons qualifié de sauveur.