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MISS MOUSQUETERR.

— Les cendres du foyer.

Il se rapprocha, cherchant à comprendre. À ce moment même, miss Violet se tourna de son côté, le vit, et gaiement, en personne chez qui l’incident ne faisait naître aucune inquiétude :

— Oh ! vous êtes un guide tout à fait précieux. Nous avons marché en cercle, pour revenir à notre campement de ce matin.

Inconsciente du danger, la mignonne Anglaise plaisantait.

— Je ne veux pas être en grand mécontentement ; seulement je pense vous devrez nous conduire admirablement demain pour faire oublier la distraction de ce jour.

Et le visage souriant, elle menaçait son interlocuteur du doigt.

Les montagnards qui s’occupaient à dresser les tentes de feutre, furent-ils traversés par le souvenir des récits légendaires de la montagne ; furent-ils aidés à se les remémorer par une parole imprudente du guide ? Personne, n’eût su le dire. Mais soudain, ils suspendirent leur travail, et avec l’apparence de la plus vive terreur, ils se jetèrent la face contre terre, marmottant des supplications aux Gilds, Veneks, et Tralgies, mystérieux lutins dont la fantaisie populaire a peuplé les Hauts Plateaux.

Du coup, Sara, Lobster, Violet s’étonnèrent, sollicitèrent des explications.

La vérité ne pouvait être célée plus longtemps. Appelant à lui toute sa force de volonté, le romancier expliqua la situation. Oh ! en l’atténuant, en déguisant ses inquiétudes sous un ton léger.

— Un simple ennui, un retard de quelques heures, disait-il. Demain, tout sera réparé. La terreur des indigènes vient de superstitions auxquelles nous ne sommes pas accessibles.

Leddin appuya ses dires. Le guide semblait avoir recouvré son sang-froid, et Max lui sut gré d’épargner aux voyageurs les inquiétudes dont lui-même souffrait.

Donc, les tentes enfin dressées, les feux allumés, on dîna gaiement.

Les jeunes femmes plaisantaient de l’aventure. Après tout, quand on vient de France au cœur du continent asiate, pareil déplacement ne se peut accomplir sans quelque anicroche.

Le temps perdu en ce jour se rattraperait le lendemain. L’armée anglo-russe était en marche ; elle se rapprochait. On aurait pour la joindre moins de chemin à parcourir.

Bref, la chaleur du thé aidant, la veillée n’eut rien de morose, et, vers onze heures, tous s’endormirent du sommeil lourd de gens qui se sont livrés à l’alpinisme pendant la journée.