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MISS MOUSQUETERR.

Cependant, les incidents se multipliaient. La terreur planait sur les établissements européens. Négociants, journalistes, industriels, tous ceux que l’honneur professionnel n’attache pas au pays, se décidaient peu à peu à quitter des contrées aussi dangereuses.

Ç’allait être un exode général, la ruine de toutes les colonies européennes.

Agir devenait urgent. Mais que faire ? Comment engager la lutte contre un ennemi dont on constatait l’ubiquité, mais dont on ignorait la nature, les projets, l’organisation ?

Les différentes nations intéressées se consultèrent. Elles décidèrent que, pour rassurer l’opinion, il convenait au moins d’avoir l’air d’agir.

Les gouvernements anglais et russe, plus particulièrement installés sur la terre asiate reçurent mission de défendre la civilisation menacée.

Des contingents saxons de l’Inde, d’autres des provinces sibériennes et du Turkestan russe se groupèrent, formèrent une imposante armée, dont l’objectif fut… la chaîne des monts Célestes désignée par le paria défunt.

Les instructions demeurèrent un peu confuses, il est vrai. La mort de l’Hindou démontrait que ses renseignements vagues contenaient une part de vérité. Il y avait quelque chose dans les monts Célestes. Quoi ? on n’en savait rien. Il fallait trouver ce quelque chose et le détruire.

Ainsi, les gouvernements mettaient à l’abri leur responsabilité, et si les officiers chargés de diriger cette expédition bruineuse ne réussissaient pas, on en serait quitte pour les taxer d’incapacité et les frapper dans leur avancement, dans leurs intérêts.

C’est de la sorte que la civilisation comprend la justice distributive.

Or, le quinzième jour du mois d’avril suivant, les troupes combinées anglo-russes campaient sur les rives marécageuses du lac Balkhach, la troisième mer intérieure du Turkestan.

À perte de vue s’alignaient les tentes de feutre, dont le tissu épais peut seul défendre les hommes contre le froid des nuits glaciales.

À peu près au centre, sur une extumescence de terrain dominant les rives basses d’une dizaine de mètres, s’élevait une yourte, grande cabane de bois et de terre foulée, naguère sans doute abri de gardiens de troupeaux du steppe, aujourd’hui honorée du titre pompeux de quartier général.

Dans l’unique salle du rez-de-chaussée, des officiers anglais et russes étaient réunis.

Rangés en demi-cercle, ils écoutaient les chefs suprêmes de l’armée