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MISS MOUSQUETERR.

D’un bond, il fut à son poste de mécanicien. L’automobile se reprit à filer. Cinq cents mètres plus loin, Max stoppait devant un chemin s’ouvrant sur la droite, dans la perpendiculaire de l’axe de la route.

— Tenez, Madame, voici notre sentier voyageur. C’est lui qui va nous guider vers l’endroit où vous avez été portée hors de la forêt.

À petite vitesse, le véhicule s’engagea dans le chemin mal entretenu, bossué de protubérances, creusé d’ornières. Max avait besoin de toute son attention pour diriger sa machine sans provoquer un accident.

Cette voie difficile, à l’aspect d’une voie temporaire d’exploitation, s’enfonçait dans les terres, semblant n’avoir d’autre usage que de desservir des champs bornés au fond par un bouquet de grands arbres…

Seulement, quand ce petit bois eut été dépassé, la route tourna sur elle-même dans la direction de la forêt. Elle décrivit à travers la plaine des courbes variées, et soudain, les deux voyageurs poussèrent le même cri :

— Le minaret !

C’était vrai ; à droite du chemin se dressait la mosquée rustique signalée par Mme de la Roche-Sonnaille, tandis qu’à gauche, des parcs à bestiaux entrecroisaient leurs barrières de bois.

Aucun doute ne pouvait subsister. C’était bien dans le Hunting-Reserve que la jeune femme avait dit l’adieu éternel à son mari.

Mais Max ne pouvait longtemps demeurer inactif.

— Madame, je vous en conjure, souvenez-vous. Nous allons entrer sous bois. Efforcez-vous de me maintenir dans la bonne voie.

— Allez. Je ferai tout le possible.

À petite allure, l’automobile s’engagea sous bois. À faible distance de la lisière une fourche se présenta. Sans hésiter, la duchesse désigna l’avenue de droite.

Celle-ci, par une oblique, gravissait les pentes. Au sommet, elle courait à travers une partie de bois moins épaisse, coupée de clairières et d’étendues herbeuses.

Imperturbable, tout à son rôle de guide, Sara se décidait presque sans effort à la rencontre des chemins. Elle ne se souvenait plus de ses douleurs, prise par l’émotion angoissante de cette chasse au souvenir.

L’automobile redescendit, retrouva le terrain plat. Elle roulait à présent dans la vallée intermédiaire, dans ce Hunting-Reserve, où les bourreaux de Lucien, de Dodekhan, avaient caché leur crime. Et brusquement, à un carrefour où deux allées se coupaient en croix, Sara étendit la main vers un des tronçons, en murmurant d’une voix étouffée :