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LES ASSOIFFÉS DE LUMIÈRE.

— Votre nom, je vous prie ?

— Sir John Lobster.

Le lieutenant-colonel baissa de ton :

— Vous pouvez démontrer ?

L’Anglais lui présenta le parleur. Son interlocuteur tira de sa poche un parleur semblable. Les deux hommes se serrèrent la main.

— Je devais communiquer avec les Masques Jaunes, murmura l’officier, de braves gens à qui je suis tout dévoué, car ils ont payé mes dettes et m’ont empêché ainsi de quitter l’armée.

— Moi de même, sauf les dettes et l’armée que je n’ai pas, parce que je suis civil et très riche. Mais comment nos parleurs communiquent-ils ?

— Destinés au même usage, ils ont probablement les mêmes propriétés… Mais venons au fait, que voulez-vous ?

— Retrouver ma liberté.

— Vos papiers ?

— Je n’ai pas l’ombre d’officiels, et il paraît que les sceaux des révolutionnaires…

— Cachez-les bien surtout. Où voulez-vous aller ?

— Vers le Sud. Voici là-bas, nos voitures, chevaux et compagnons. Le lieutenant-colonel parut réfléchir, puis se rapprochant de son interlocuteur, il chuchota :

— Quand vous les verrez, vous leur direz que le lieutenant-colonel Polsky a fait honneur à ses promesses. La nuit prochaine, le bataillon qui occupera cette portion de la ligne est à mon entière dévotion. On vous conduira hors de la zone gardée militairement.

— Oh ! je remercie.

— Non, cela ne vaut pas la peine. Ceux qui vont contre l’Autocratie m’ont sauvé. Ne l’eussent-ils point fait que mon cœur serait avec eux. Je suis Polonais.

Puis, rompant l’entretien :

— Cette nuit, installez-vous pour dormir dans vos voitures et ne bougez pas quoi qu’il arrive. Je n’ai pas besoin de vous recommander le silence, n’est-ce pas ?

Sur ce, l’officier s’éloigna, laissant sir John enchanté mais profondément intrigué. Comment les Masques Jaunes, qu’il se figurait occupés seulement de capturer les évadées de la maison de santé Elleviousse, se trouvaient-ils mêlés à la révolution russe, avoir des bataillons à leur dévotion ?