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Le petit lit blanc sera vide désormais.

À la porte, lugubres, pendent les tentures noires.

Un cortège, un trou dans la terre, bientôt comblé ; et puis la nuit, l’envol du rêve… la solitude pour le père… car il est encore père… on l’appellera toujours ainsi… et ce père n’a plus d’enfant.

Voilà ce que ressentent Marchand et Baratier.

Voilà ce dont leur cœur se gonfle, se gonfle comme s’il allait se briser.

Ils ont un impérieux besoin de mouvement, de fuite.

S’ils restaient là, il leur semble qu’ils deviendraient fous.

Dès demain ils partiront.

Et, au point du jour, des officiers anglais qui se promènent aux abords de la gare d’où partent les trains pour Chellal et le Sud, voient passer deux hommes à l’aspect tragique.

C’est le chef de la mission Congo-Nil et le capitaine Baratier qui retournent là-bas, à Fachoda, dire à leurs compagnons de fatigues, de dangers.

— Tout est consommé !

Ah ! l’horrible torture que ce retour, en vaincus, à travers ces plaines, ces oasis, ces déserts, sur ce Nil qu’un trait de plume a fait anglais.

Partout des postes abrités sous les couleurs anglo-égyptiennes, partout des chants de victoire.

Tous savaient la renonciation de la France.

Tous se félicitaient avec des airs de bravoure, comme s’ils avaient vaincu en combat loyal l’ennemi auquel traîtreusement ils avaient volé l’empire égyptien, l’ennemi qu’ils avaient surpris, alors qu’il pansait encore la blessure toujours saignante que l’invasion lui a faite aux flancs.

Atbara, Berber, Karthoum défilèrent sous les yeux mornes des officiers français.

Ils avaient retrouvé le Faidherbe à Atbara, et ils s’étaient embarqués, avec un plaisir douloureux, sur ce brave petit vapeur qui n’emporterait plus désormais leurs espérances évanouies, mais dont le pont étroit, imperceptible point dans l’immense vallée anglaise, était du moins demeuré français.