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— Heureusement, vas-tu t’écrier. Il ne manquerait plus à mon amie qu’une passion pour le sirdar, alors que son mari étouffe à Hanoï au milieu des jaunes Tonkinois.

Rassure-toi, la vue du vainqueur d’Ondourman n’a pas mis en péril mon attachement à mes devoirs.

Il n’est pas mal, mais son visage est dur.

Et puis, et puis surtout, il y a dans toute sa personne quelque chose de terre à terre…

Vois-tu, ce général-là doit manquer d’idéal.

Donc, il mangeait de bon appétit quand un jeune capitaine français, au dolman bleu tout battant neuf, entra dans le salon.

Il regarda autour de lui, aperçut une place libre et s’y installa, juste en face de M. Kitchener.

C’était le capitaine Baratier.

C’est très vrai ce que l’on disait à la résidence.

Il a l’air jeune, très jeune.

Et bien que bronzé par son voyage d’Afrique, on s’étonne de voir sur ses manches les trois galons.

Je doutais de la petite anecdote, contée par M. Rissier, au dîner qui a précédé mon départ, maintenant je ne doute plus.

À propos, tu n’étais pas à ce dîner, donc tu ne connais pas l’anecdote et tu dois déjà penser :

— Elle est folle, ma bonne chère amie. Toujours la même.

Je veux te prouver, chère médisante, que je jouis de toute ma raison et je te narre la chose.

Il paraît qu’avant de rejoindre la mission Marchand, le capitaine Baratier avait l’air d’un véritable… gosse ; passe-moi le mot… tu sais que je suis de l’avis du docteur Monpati et que j’approuve l’usage modéré de l’argot quand il augmente l’intensité de l’impression…

— J’ai l’air d’une pionne, c’est ridicule… admets gosse sans explication.

Donc le capitaine était à Alger.

Déjà chevalier de la Légion d’honneur, il se promenait en civil sur le port avec le petit ruban rouge à la boutonnière.

Un agent de police l’aperçoit.

Le digne gardien dévisage le promeneur.