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— C’est vrai, nous ignorons cela, mais nous avons par contre une certitude.

— Leur point de direction, n’est-ce pas ?

— Oui. Ils se rendent à Fachoda.

— Eh bien.

— Eh bien… je vous demande la permission de pousser une reconnaissance de ce côté.

Il se fit un grand silence.

C’était là une proposition héroïque. Chacun s’en rendait compte.

Entre le fort Desaix et Fachoda s’étendait le marécage immense, inconnu, le dédale de vase, d’herbes, de roseaux.

Y entrer, chacun s’en sentait le courage évidemment.

Mais pas un ne croyait qu’il fût possible de mener à bonne fin la traversée de ce pays inondé.

Et le commandant Marchand traduisit la pensée de tous en disant :

— Comme chef de la mission Congo-Nil, mon cher ami, je suis fier que la proposition ait été faite, mais je ne saurais en autoriser l’exécution. Si je supposais avoir une chance de traverser ce maudit marais, je vous donne ma parole que, depuis deux mois, nous serions entrés à Fachoda.

Mais Baratier est un homme tenace.

Quand il a une idée en tête, il est difficile de l’en extirper.

Et puis, c’est un homme d’action.

L’action la plus téméraire lui semble préférable à l’angoisse de l’attente.

Et puis, et puis, lui qui avait été constamment à l’avant-garde, sentait peut-être une douleur plus cuisante, à la pensée que des étrangers, des adversaires, rendraient inutiles deux années de lutte, deux années d’incroyables efforts.

Il insista donc.

Il fit valoir sa connaissance du pays. Après tout, les marais, il connaissait cela.

N’en avait-on pas rencontré assez dans le Bas-M’Bomou.

Le Bahr-el-Ghazal était un marais plus grand, voilà tout.

Puis il fit ressortir que les hautes eaux ne se produiraient pas avant trois ou quatre mois.

Si une mission était sur le Nil, dont la navigation est sinon facile, du moins possible en toute saison, elle aurait