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— Sans toi, je dormirais dans la brousse, qu’il m’a fait. Il avait l’air ému. Et moi ça me gagnait aussi. Alors pour pas pleurer, ce qui est tout à fait bête de la part d’un soldat, je lui dis :

— Vous savez que vous me devez deux sous, mon capitaine, je vous ai ramené, j’ai gagné le pari.

Il a ri comme une petite baleine, et puis il m’a dit un tas de choses aimables, que j’étais un brave cœur, et puis ceci, et puis cela.

Je vous ai prévenu, c’est la crème des hommes.

Pour finir, il s’écrie tout d’un coup :

— Comment t’appelles-tu ?

— Jacques, que je réponds.

Je me reprends bien vite.

— C’est-à-dire que c’est mon petit nom. Sur les contrôles de la compagnie je suis porté…

Il me coupe la parole :

— Ça, je m’en moque. Jacques me va. Eh bien, Jacques, tu ne me quitteras plus. Nous aurons encore du mal avant d’arriver au Nil, mais nous arriverons tout de même. Cela me fera plaisir d’avoir auprès de moi un ami sûr, et toi aussi, peut être, seras-tu satisfait de te savoir un ami.

Tu me vois, hein, l’ami de mon capitaine.

J’ai bafouillé quelque chose pour le remercier, mais je ne savais plus ce que je disais. S’il a compris, il a plus de chance que moi.

Mais je bavasse, je bavasse comme une pie borgne.

C’est que je pense que Louise lira ça avec toi. Et sur mon papier, je vois ses grands yeux noirs, son petit nez retroussé à la coquette, et alors, alors… Je vous embrasse tous les deux…

Je continue.

Où en étais-je donc ? Ah oui ! le capitaine Germain m’arrête comme je rentrais au fortin des rapides, et il m’interpelle :

— Jacques !

— Capitaine !

— Nous partons tantôt.

— Chic, que je réponds, ça ne sera pas trop tôt que la mission se grouille un peu, on commence à prendre racine ici.

— C’est pas la mission qui part.