— Vous voyez bien ces gens armés de sabres recourbés, à l’air de soldats…
— Des policiers, explique un matelot en se retournant. Des toupous, comme les appellent ces sauvages.
— Soit… eh bien, ma douce Daalia, il y avait auprès d’eux un individu, masqué à présent par leur groupe…
— Que nous fait ce personnage ?…
— C’est que j’ai cru reconnaître…
— Achevez, Je vous en prie. C’est donc bien terrible ?
— J’ai cru reconnaître le sacrificateur Oraï.
À ce nom Daalia pâlit, Morlaix serre les poings, Fleck et Niclauss ricanent et leurs yeux fouillent avidement le groupe signalé par le Français.
— Oraï, murmure Lisbeth, il ne peut être ici
— Pourquoi ?
— Parce que nous l’avons laissé dans l’île de Luçon, et qu’avant de trouver un navire à destination de ces parages, peu fréquentés, au moins par les bâtiments de commerce…
— C’est vrai, au fait, s’écrie Morlaix, ravi de la présence d’esprit et de la raison de sa blonde fiancée.
Mrs. Doodee et Grace approuvent du geste.
Mais Albin reste sombre. À mesure que l’on approche du débarcadère, son inquiétude paraît augmenter. Un dernier coup d’aviron. Le canot vient accoster doucement au plancher incliné. Eléna, Mable, les Allemands, Morlaix y prennent pied. Daalia s’est dressée, elle va enjamber le bordage ; mais Albin la retient.
— Attendez, je vous en supplie.
— Attendre quoi ?
— Que je me sois assuré d’avoir fait erreur.
— Encore vos idées.
Il murmure suppliant.
— C’est un enfantillage ridicule, soit.
Mais je vous en conjure, ne quittez cette embarcation qu’à mon signal.
Et avec une gravité dont elle est impressionnée :
— Ici, vous êtes en sûreté sur des planches russes. C’est un lieu d’asile. Une fois à terre, il n’en serait plus de même.
Après tout, la tendresse, dans ses manifestations les plus folles, est douce au cœur de celle qui l’ins-