Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/412

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La Botera évoluait. Elle s’enfonça dans l’avenue par laquelle elle était arrivée ; son ronflement diminua peu à peu, puis cessa de se faire entendre.

Le père et la fille restaient seuls dans la clairière de Nicolas Slavarède.

— Asseyons-nous, murmura le Canadien. Puisque l’on nous oblige à attendre, attendons avec le minimum de fatigue.

Il se laissait tomber au pied de l’arbre supportant la statue du saint.

Fleuriane prit place en face de lui.

— Ne serions-nous pas dans le voisinage d’une fourmilière ? s’écria soudain la jeune fille.

— Ah ! voilà qui est fort, dit le Canadien. J’allais précisément te dire la même chose.

— Vous éprouvez des picotements ?…

— Par tout le corps, mais plus spécialement à la figure et aux mains.

— Comme moi, tout à fait comme moi.

Tous deux se considérèrent avec ahurissement. Sur leur visage, leurs mains, pas trace de fourmis. Et pourtant le picotement continuait, pas très douloureux, mais agaçant au suprême degré.

— Qu’est-ce que cela veut dire ?

Fleuriane, ayant reporté ses regards sur ses mains, eut une exclamation de surprise.

— Père, voyez, voyez mes mains.

Sur la peau blanche, à la clarté très franche de la lune, on distinguait des points rosés, plus spécialement nombreux sur les doigts fuselés de la jolie Canadienne. Et M. Defrance, ayant exposé ses mains aux rayons de l’astre nocturne, murmura :

— Mais moi aussi. Je suis constellé de ces points roses. Ah çà ! qu’est-ce qui provoque cette étrange affection ?

Sans doute, les voyageurs auraient continué longtemps à chercher d’où pouvait provenir la singulière irritation de leurs épidermes, mais un bruit insolite les força à s’occuper d’autre chose.

La forêt silencieuse répercutait maintenant un galop de chevaux. On eût cru qu’une troupe nombreuse passait à fond de train sous le couvert.

Le bruit se rapproche. On devine que les chevaux sont poussés sans relâche, que les cavaliers ont hâte d’atteindre un but fixé d’avance. Et puis un son nouveau devient perceptible ; le ronflement caractéristique des automobiles se mêle à la galopade des quadrupèdes.