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dant, à Nikolsk, à celui de la ligne principale transsibérienne Vladivostok-Oural, laquelle se continue, par les voies ordinaires russes, vers Moscou, Saint-Pétersbourg et l’Europe occidentale.

Larmette, lui, avec son automobile, s’était engagé sur le tract sibérien, qui presque partout côtoie la ligne ferrée. Les trains marchent avec une lenteur désespérante ; la Botera possédait un puissant moteur. Bref, les voyageurs se maintinrent sensiblement au même niveau.

Au moment de franchir les hauteurs de l’Oural, le père et la fille, prisonniers moraux du joaillier, abandonnèrent le chemin de fer et reprirent place dans l’automobile. Tel fut l’ordre de Larmette.

Tous trois avaient parcouru ensemble les steppes de la Russie orientale, franchi la Volga, atteint son affluent la Moskva, et, remontant cette rivière, gagné Moscou. Comme hôtel le joaillier avait choisi la Moskva-Restauration, située sur la place du Théâtre, sans que ses victimes fissent la moindre observation.

Au surplus, il avait fixé son choix sur le meilleur hôtel de la cité, dix roubles par jour et par chambre, et il se déclarait in petto que « sa fiancée et son beau-père » seraient bien difficiles s’ils n’étaient pas satisfaits de ses procédés.

L’arrivée de l’automobile, quelques indiscrétions habilement commises par le rusé personnage, avaient appris au public que la Botera portait les seuls concurrents ayant franchi l’Alaska et le détroit de Behring.

La chose s’était répandue parmi la société, et le comte Aïarouseff, vice-gouverneur de la cité sainte, offrant une grande soirée pour fêter la dix-huitième année de sa fille Nège, laquelle venait de passer brillamment ses examens de fin d’études à l’institution des Nobles Barines, le comte, disons-nous, avait pensé assurer à sa réception un attrait nouveau en invitant des gens échappés à la dislocation des glaces du Behring.

C’était à propos de cette invitation que Larmette insistait auprès de ses compagnons. À la dernière réflexion de Fleuriane, il riposta par un haussement d’épaules :

— Savez-vous, mademoiselle, que vous vous montrez peu aimable ?

Elle eut un regard méprisant et douloureux :

— Les esclaves n’ont point à être aimables. Ils obéissent, cela doit suffire.