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L’autre ne se retourna même pas. Il haussa les épaules, et se plaça au poste de direction.

Les victimes de ce monstrueux attentat se sentirent perdues.

Un déclic ! Le moteur vient d’être mis en marche.

La machine éprouve comme un frémissement. Elle se prend à rouler a la surface du sol sur ses roues porteuses.

Elle parcourt trente mètres ainsi, et soudain son avant se soulève. Elle quitte la terre, points vers le ciel, suivant une ligne oblique.

L’aéroplane s’envole. Il décrit une grande courbe qui le fait passer au-dessus des têtes convulsées de ceux qu’il abandonne dans le désert herbeux du steppe ; puis il s’éloigne.

La tache blanche se découpe sur le ciel gris… La tache monte… monte, s’éloigne, se rapetisse. Elle n’est plus qu’un point… Elle n’est plus rien.

Un instant encore, Dick et Jean cherchent à distinguer le grand oiseau fugitif, s’accrochant désespérément à la volonté de le voir, de retarder l’instant où ils se sentiront seuls, abandonnés dans le désert.

Enfin, il leur faut se rendre à l’évidence. L’aéroplane a disparu.

Son équipage va rejoindre les endroits habités. Les criminels coudoieront d’autres hommes, ils vivront, alors que leurs victimes se tordront loin de tout secours dans les spasmes de l’agonie.

Un immense désespoir étreignit les malheureux. Pendant combien de temps restèrent-ils annihilés, sans pensée ? Il est impossible de le préciser. Mais le temps avait marché. Le jour baissait

Ce fut par une sensation douloureuse qu’ils reprirent conscience d’être.

— J’ai froid ! articula Jean en claquant des dents.

— Oh ! gronda Dick Fann frappé au cœur par la plainte du gamin, c’est la terre, la terre qui nous glace avant de nous aspirer pour jamais.

Et, avec une humilité déchirante :

— Pardonne-moi, Jean, de t’avoir entraîné à l’abîme.

C’était étrange et sinistre, cette tête convulsée suppliant une autre tête livide, qui semblait comme elle-même posée sur le sol. On eut dit un entretien de décapités. Et Brot, tout remué par la souffrance vibrant dans la voix de l’Anglais, protestait :

— Vous ne m’avez pas entraîné. C’était écrit