Page:Ivoi - Le Radium qui tue.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas même les officiers placés sous les ordres de Petrokhan, tel était le nom du bonhomme, n’avait jamais pu le savoir.

Aux questions qui lui avaient été posées à ce sujet, il avait toujours répondu :

— Les saints n’aiment pas qu’un homme ordinaire les raconte. Ils s’expliquent bien mieux tout seuls, quand ils souhaitent se faire connaître.

Ou bien encore, si le questionneur appartenait au monde civil :

— Parler d’Ourounalmèje à des indifférents porte malheur. Moi et ma femme savons ce que cela veut dire. Cela nous suffit.

Ainsi, il marquait une de ses idées les plus chères : la suprématie du monde militaire sur l’élément civil ; car, il faut bien l’avouer, l’hetman eût étranglé de ses propres mains l’homme assez imprudent pour lui traduire l’axiome latin : Cedant arma togæ !

Les armes admettant la préséance de la toge !… Ah ! bien il l’aurait fait voir au fâcheux.

Par bonheur, les études classiques sont peu en honneur parmi les cadres cosaques, et l’hetman ne songeait pas à invectiver les latins, dont il ignorait complètement l’existence.

On concevra qu’après une demi-journée passée en la société de pareil individu, de sa femme et de douze marmots, dont les vingt-quatre index semblaient n’avoir d’autre fonction que de s’introduire avec passion dans les vingt-quatre narines de douze nez épatés à la mongole, Dick Fann et son jeune ami considérèrent comme une délivrance la proposition que leur fit un lieutenant de la sotnia, venu au rapport chez l’hetman Petrokhan.

— Excellence, dit-il en s’adressant à Dick Fann, à toute autre personne je ne parlerais point du service dont je suis chargé ; mais à vous, détective illustre, recommandé par le directeur Milkanowitch auquel vous avez démontré votre bon vouloir à l’égard du gouvernement russe, je crois pouvoir sans indiscrétion vous offrir de venir avec moi à la mine Borenev que nous surveillons particulièrement, car elle est affectée aux condamnés politiques à l’exclusion de tous autres.

— Ma foi, lieutenant, bien que je n’aime pas à rencontrer la souffrance, j’accepterai ce moyen de passer quelques heures.

— Et vous ne le regretterez pas, car nous autres Russes, que l’on dit si arriérés, avons imaginé une