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pain, de l’eau, quelquefois une soupe, on grandit et l’on se venge…

D’un regard plein de tristesse, le détective enveloppait la petite. Il s’épouvantait de la détresse inconsciente de cette âme d’enfant. Il se demandait comment il parviendrait à toucher ce cœur pétrifié, à faire jaillir l’étincelle affective qui ramènerait sa captive à la vérité de la vie.

— Je ne suis pour rien dans tout ce que tu as souffert… Je ne suis pas Russe, moi ; mon pays est bien loin. Tu ne saurais me haïr avec justice.

Elle secoua sa tête blonde.

— Je vois bien que vous n’êtes pas Russe, puisque vous ne m’avez pas encore menacée ni insultée… Oh ! les Russes n’auraient pas attendu si longtemps… Mais je ne comprends pas pourquoi vous êtes ainsi.

— Et cela te serait agréable de le savoir ?

— Oui… Je serais aise de sortir de la nuit (forme sibérienne dont le sens est à peu près : être renseignée).

— Eh bien ! dis-moi ton nom et je t’expliquerai.

La prisonnière couvrit Dick d’un regard soupçonneux.

— Mon nom ?… fit-elle en hésitant.

— Ton prénom seulement… Un prénom, cela n’indique rien. Des milliers d’êtres portent un même prénom.

— C’est vrai. Mais ce n’est pas pour cela que je vous le dirai. C’est parce que — je ne sais pas m’expliquer comme je le voudrais, enfin vous comprendrez peut-être — c’est parce que je pense que vous ne me voulez pas de mal.

Le jeune homme poussa un soupir de soulagement. La petite Sibérienne venait d’exprimer une phrase de confiance.

— Alors, parle, mon enfant.

Elle ferma les yeux, comme bouleversée par la douce inflexion de l’organe du détective, et, la voix abaissée :

— On m’appelle Nadèje.

— Alors, petite Nadèje, lève-toi, veux-tu, et prends place sur cette chaise. Nous serons mieux pour causer.

Il relevait la pauvrette, la forçait à s’asseoir.

— Vous ne pensez donc pas que les sièges soient pour les seules barines ? murmura-t-elle avec un effarement dans l’accent.

— Non, je pense que tu seras l’amie de Dick Fann.